mai 1968
En mai 1968, la France figée dans sa réussite économique se réveille brutalement.
C'est un mois de folie et de désordre pendant lequel la jeunesse aura toutes les audaces. Début 1968, le Général de Gaulle est au pouvoir depuis 10 ans. En réalité, les jeunes issus du
baby-boum de l'après-guerre étouffent et s'ennuient.
Il suffira d'une étincelle allumée en mars par quelques étudiants gauchistes à Nanterre pour enflammer tout le pays. En mai 1968, le transistor collé à l'oreille, les français assistent
ébahis au surgissement échevelé de la jeunesse. Un peu partout, on sèche les cours et on débat, le mouvement est impulsé par la fièvre idéologique de quelques-uns. L'ennemi, c'est l'ordre.
Le pouvoir, la police, les partis politiques et les syndicats vont vite être débordés par l'insolence, la créativité, la spontanéité et l'absence de stratégie du mouvement étudiant. Les
travailleurs vont s'engager dans la brêche ouverte par cette jeunesse et le 13 mai, il y a 8 millions de travailleurs en grève et je me souviens de la manif' à ANGERS : énorme ! énorme
concentration d'ouvriers, d'étudiants et d'employés du tertiaire réunis dans la fraternité autour de la Bourse du Travail. On n'entend même pas les orateurs tellement il ya de déferlement
de toute sorte.
Il faut dire que depuis le retour de mes vacances hollandaises, la majorité des employés de la banque sont en grève. Elle durera trois semaines et nous les jeunes nous sommes réunis à la
Bourse du Travail chaque matin et désignés par les responsables syndicaux pour être "piquets de grêve". Tous les jeunes nouvellement embauchés sommes en permanence en effervescence, la tension
reste vive mais seulement je n'ai plus de solexine à mettre dans mon solex : on commence à manquer de carburant alors je reviens d'ANGERS, à pied, dans la joie et la bonne humeur avec d'autres
employés de banque. Les banques, elles n'ont plus d'argent liquide. C'est la chienlit dira de Gaulle. L'mploi ne s'était poutant jamais si bien porté comme quoi, même en période de croissance la
vie n'est jamais simple comme un coup de fil.
Fin mai, le vent tourne et de Gaulle reprend le contrôle de la situation. Le 31 mai, ce sont les gaullistes qui battent le pavé. C'est la "Marseillaise" contre "l'Internationale" et le travail reprend progressivement.
Comme tout le monde, nous les employés de la banque reprenons le chemin de la banque et le patron qui avait un côté très paternaliste nous accueille dans l'entrée en disant : "Grèvistes et non-grèvistes serrez-vous les mains".
En juin, c'est déjà les vacances et avec une copine Eliane du Cours Seng-Réthoré, nous partons ensemble pour les Baléares et nous prenons l'avion pour la première fois. Nous avons passé nos vacances
dans un club "très branché" du style "club Med". L'hôtel était situé dans une région un peu marécageuse, près d'Alcudia, entre la lagune et la mer. Il y avait beaucoup de jeunes de notre âge et
grisés par notre nouveau pouvoir d'achat (merci les accords de Grenelle), nous goûtons à tout avec voracité.
Cependant, aux Baléares, c'était encore le régime franquiste et les autorités de l'île nous avaient interdit de nous réunir en ville suite aux récents évènements en France et de surcroît, dans
les banques, le franc n'était plus échangé mais c'était sans compter sur notre sens de la débrouillardise ! OLE !